On a donc décidé avec E. de partir trois jours dans un refuge, pour faire du ski de fond. Le ski de fond, j’ai commencé ça cette année (c’est à dire, j’en ai fait deux fois) et j’aime beaucoup ça. C’est presque aussi chouette que le snowboard, mais ça a ce gros gros avantage de pouvoir être pratiqué au parc du Mont-Royal et sans devoir faire une hypothèque avant d’aller prendre une pass pour deux heures dans une station de montagne (on pourrait croire que vu la quantité de neige qu’il tombe chaque hiver au Québec, les sports d’hiver de type ski alpin, snow – vous ai-je déjà mentionné qu’on dit planche à neige, ici ? – et toute autre activité du genre seraient peu dispendieuses, mais en fait trop pas, c’est super cher).
Enfin bref, E. avait des vacances à prendre, moi pas du tout, mais j’avais un besoin impérieux de quitter la ville, de fermer mon téléphone et de déconnecter Facebook-Gmail-Twitter, parce qu’entre le travail, papermiint, un mois de janvier pas exactement facile à gérer, une météo maussade et d’autres petites affaires diverses, je faisais la gueule et j’avais besoin de voir le ciel un peu plus grand qu’à Montréal.
On a donc pris la voiture un dimanche pas exactement matin – y’avait BodyPump, mais finalement y’a eu grasse mat’ – en embarquant Enrico mon ukulélé, beaucoup trop de lingettes démaquillantes pour quelqu’un qui se dit écolo si vous voulez mon avis (mais c’était plus fort que moi), des clémentines pour les vitamines, du vin et des sacs à dos bien trop gros pour deux filles qui vont juste faire de la randonnée pendant trois jours.
On est arrivées juste avant la tombée de la nuit, le temps d’aller acheter des trucs pour rendre le riz un peu plus fancy et pour charger encore plus les sacs à dos, on a garé la voiture, chaussé les skis et on est parties. Le refuge se trouvant à 2 kilomètres de là, c’était un jeu d’enfant. Enfin, ça aurait été un jeu d’enfant si le sol n’avait pas été entièrement verglacé, que nos sacs à dos n’avaient pas été si lourds, qu’on avait pas eu autant de sacs à dos aussi, d’ailleurs, si les lampes frontales éclairaient mieux, si c’était moins en pente, et tout ça. Bref, après le petit pont (quatorze mètres skiés, si vous voulez mon approximation de distance), on a décidé de faire plutôt tout ça en marchant, ça nous servira de chemin d’éclaireur, on a dit.
Arrivées au refuge, une petite famille fort sympathique prenait sa collation (j’aime tellement ce mot que je le colle partout, même si honnêtement, on se contrefiche un peu de ce détail), on dort pas ici nous a dit le papa, on repart bientôt, on a dit que d’accord, et comme il nous regardait avec des grands yeux quand on posait nos gros sacs, on s’est justifiées, on reste une semaine on a dit. Ah, il a dit, puis après il a dit, avec l’expérience, on s’encombre plus de choses inutiles, je ne sais pas trop s’il a dit ça quand on a sorti les bouteilles de vin ou l’assortiment d’épices qu’E. avait prévu, toujours dans l’optique de rendre le riz plus fancy.
On a décidé de s’organiser, E. s’est occupée d’ouvrir le vin, moi je suis allée faire pipi, j’ai mis ma lampe frontale, mon manteau, mes bottes, j’ai eu froid et en rentrant, j’ai décidé de ne pas boire d’eau du séjour, pour éviter d’avoir trop souvent envie de faire pipi. On est ensuite allées chercher de la neige à faire fondre, ainsi que vous avez pu le lire dans le précédent billet, j’ai surtout rapporté des aiguilles de sapin et des petits bouts d’écorce, j’ai donc passé environ trente minutes avec une pince à épiler à tâcher d’éclaircir l’eau qui allait nous servir pour environ tout. C’est une école de patience – mais c’était chiant (mais je pensais surtout à la super story sur Snapchat que j’allais pouvoir faire).
On a mangé un fabuleux repas à base de riz et de champignons légèrement caoutchouteux, mais comme le lendemain, j’allais faire brûler le riz aux brocolis, avec le recul, ce premier souper était fantastique. Comme on avait oublié le tire-bouchon à Montréal (le on, c’est moi, ici), on était allées acheter du vin « qui se dévisse », c’est à dire du vin dégueulasse, en fait, mais ça passait parce que moi j’étais déjà effrayée à l’idée de ne pas pouvoir me doucher le lendemain matin, alors vous savez, face à ça, boire du vin infâme dans une tasse Le Roi Lion, c’est pas si grave.
Je peux survivre à un matin sans café, mais je peux difficilement survivre à un matin sans douche.
(Demain – ou peut-être dans deux mois, qui sait – vous saurez si j’ai réussi à survivre à cette première nuit et première matinée sans me doucher.)